Encore une fois le Royaume Uni brandit ses red lines et la menace de bloquer l'Europe. On se croirait revenu aux plus belles heures Thatcher. L'attitude de la Pologne ne ferait que cacher celle de la Grande Bretagne qui souhaiterait vider de son jus les restes du mini traité. Et encore devrait-on profiter de la présence de Tony Blair (le plus
Francophile Européen des Anglais parait-il) car son successeur ne serait pas commode. Ah bon, ça pourrait être pire ?
En fait la France a déjà grandement aidé Tony Blair, qui avait promis un référendum à ses compatriotes sur le feu Traité Constitutionnel, à se sortir sans heurt de l'ornière où il s'était embourbé. Il paraît qu'il prévoyait de le gagner, montrant ainsi à tous ses convictions profondément Européennes (rappelons ici, afin de savourer à sa juste mesure l'attitude du gouvernement britannique aujourd'hui, que le négociateur britannique a participé à la rédaction du traité constitutionnel, et le gouvernement de sa gracieuse Majesté l'a signé le 29 octobre 2004 à Rome, comme tous les autres membres de l'UE). En fin calculateur, il prévoyait surtout d'être le dernier à organiser son référendum, pariant (à raison – merci la France) sur l'échec d'un autre membre qui lui permettrait de se défausser.
Car tous les sondages le disent : un référendum sur l'Europe est aujourd'hui encore plus qu'hier ingagnable [1]. Le paradoxe est que sous Tony Blair, les anglais sont devenus encore plus eurosceptiques que sous Margareth Thatcher. Il faut dire que Blair n'a rien fait pour arranger les choses, étant le premier à attiser les braises et tentant de diviser l'Union entre vieux cons et nouvelle Europe. Donc, qu'on arrête de nous faire croire que Tony Blair est un pro Européen. Qu'on arrête de faire des concessions, des dérogations spéciales pour le Royaume Uni. L'Europe, on l'aime ou on la quitte, pour paraphraser un agité français bien connu. Une bonne fois pour toute, il convient de mettre Albion au pied du mur : êtes vous dans l'Europe ou hors de l'Union. Connaissant les conséquences d'un retrait de l'UE, êtes vous prêt à poursuivre votre chemin hors des structures de l'Union ? Comme avec la Turquie ou le Maghreb on pourra toujours penser à des coopérations renforcées.
Un référendum au Royaume Uni aurait le mérite de clarifier la position ambiguë des politiques britanniques (hormis les Libéraux Démocrates, clairement pro-Europe) et de lancer un débat sur la réalité européenne (et non les peurs et fantasmes des Tabloids). Je me souviens à ce sujet, en 1999, un commentaire d'un dirigeant de Toyota sur le fait que l'Angleterre ne joignait pas l'euro. Le Sun le citait disant (de mémoire) "Pour nous, cela n'a pas d'importance, le Royaume Uni peut très bien garder la Livre Sterling" … mais le Guardian publiait un extrait plus large de la déclaration: "… nous ferons toutes nos factures en euros et refacturerons aux Anglais le coût du change, donc cela n'aura pas de conséquences pour notre entreprise." Pas sur que si on parlait vraiment de l'Europe aux Anglais (les Ecossais sont déjà convaincus), ceux ci n'y prendraient pas goût. Mais pour en parler sur l'île, peut être faudrait-il les y forcer un peu ? Osons la crise pour sortir l'Europe de l'immobilisme et des petits arrangements de cuisine interne ! L'isolement n'a jamais été une voie de prospérité, l'Angleterre a beaucoup à perdre dans un conflit.
[1] Selon les derniers sondages, une majorité écrasante pense que l'Europe a déjà trop de pouvoirs. Si les britanniques sont 80% à souhaiter un référendum sur tout nouveau traité, c'est pour exprimer leur rejet massif : moins de 30% seraient prêt à voter pour plus d'Europe (et une grande majorité des supporters de Blair contre).